3096 jours / Natascha Kampusch

Bouleversant...

J'ai presque du mal à écrire un avis sur ce témoignage. Je l'ai lu avec une curiosité débordante, à la limite du Big Brother, avec envie de connaître des détails qui me permettent de visualiser ce qu'il s'est passé... et au fil des pages j'ai eu ce sentiment de gêne, d'être avide de détails sordides, de visualiser l'intimité de cette enfant. Elle a mis au grand jour ce qui a constitué 8 ans et demi de sa vie avec beaucoup d'humilité, de justesse.

Cette jeune femme a énormément de recul et de maturité (même si je l'ai entendu dire qu'elle n'appelait pas vraiment ça de la maturité mais de la vieillesse, elle a ce sentiment de savoir tant de choses sur la vie et les gens, et pas que le meilleur, ce que l'on met normalement une vie à déceler et à comprendre, qu'elle se sent "vieille").

J'ai toujours été choquée, presque traumatisée, par la cruauté de certaines personnes, par le mal qu'il est possible de faire à quelqu'un non pas en le frappant mais en l'humiliant, en le privant de ses droits élémentaires... j'ai réalisé en lisant ce livre que j'étais encore loin de tout imaginer.

Le dire comme ça c'est presque facile... passer quelques jours enfermés dans un cachot dans le noir. Je ne parle ici ni de coups, ni de faim, ni de peur... juste du silence, du noir, de l'angoisse de ne pas savoir combien de temps cela va durer... j'ai essayé d'imaginer au fil du livre si j'aurai pu supporter cet enfer, comment les jours deviennent des mois puis des années. On ne peut pas l'imaginer, même en le lisant. Un jour de cet enfer ferait déjà peur aux plus courageux d'entre nous.

8 ans et demi... il y a ce qui est écrit et tous les autres jours qui se sont passés, les conversations qu'ils ont eu, les moments de petit bonheur, les jours "normaux"... et il y a les 8 ans et demi de vie de sa famille, qui forcément un jour reprend son cours... et ce décalage entre deux mondes lorsqu'ils se retrouvent... Que ressent-on lorsque l'on est parent, que l'on a un enfant disparu depuis si longtemps, que l'on a repris une vie "normale", avec des amis, un travail, des emmerdes et aussi des fous rires et que l'on apprend que sa fille était là dans une cave de 5 m², à quelques centaines de mètres de la maison, à lutter pour vivre, malgré les coups, la peur, l'humiliation ?

Ce livre fait se sentir tout petit... Je me rappelle encore le jour où les médias ont dévoilé qu'elle s'était enfuit et puis la mort de son agresseur. La première fois, je crois que j'entendais parler (à ce point en tous cas) du syndrôme de Stockholm... peut-être y étais-je allé de ma tirade sur le fait qu'il était bien louche qu'elle ne se soit pas enfuit avant... peut-être que j'avais aussi du mal à comprendre qu'elle ait de la peine pour ce monstre... si c'est le cas, après la lecture de ce livre je sais que je ne jugerais plus jamais, que je n'extrapolerai plus...

Natascha explique si bien ce qu'elle a ressenti que ça n'appelle aucun débat, aucune contestation... c'est limpide, c'est logique, ses sentiments sont humains et clairs.

Elle parle beaucoup de la méchanceté des gens à sa sortie et j'avais de la peine à le croire.

Chaque chapitre du livre offre un QR Code pour accéder à une page Internet depuis un smartphone, c'est très original, cela permet de visualiser certaines scènes et leur banalité, qui ajoute à la cruauté de sa situation... mais la plupart des liens sont des vidéos en allemand ce qui ne nous apporte pas grand chose... Alors je suis allé faire mes propres recherches Internet. Et effectivement... que les médias sont méchants.

L'horreur de sa situation ne suffisait pas, on a cherché à lui voler toute son intimité... tellement envie de savoir qu'elle avait été violée (comme si cela n'était pas évident même sans y mettre de mot !!), on lui a voulu une grossesse en captivité, puis plusieurs agresseurs, une mère qui connaissait son ravisseur, on lui a tout reproché : sa nouvelle vie, la négociation de ses interviews, l'argent qu'elle en a retiré, l'hypothèse d'un petit ami, et la maison de son agresseur qu'elle a obtenu en dédommagement...

Cette maison, elle l'explique bien, elle l'a voulu pour éviter le tourisme malsaint sur son histoire ou savoir qu'elle deviendrait la propriété de quelqu'un qui utiliserait à nouveau cette cave... et comme cela se comprend !!! 8 ans et demi volés, et tout ce qu'il en reste a été donné en pâture à la police et aux journalistes... parce qu'on voulait tout savoir... mais pour faire le procès de qui ?

Il me semble que Natascha est une belle personne, son livre en donne le sentiment en tout cas. Merci pour cette belle leçon. Ce livre est poignant, pudique et règle poliment les comptes.

(Edition Livre de poche - 7,10 €uros)